mardi 21 janvier 2014

égalité, altruisme et réciprocité



Pour qui se soucie de la qualité de la société, le cru de publications de l’automne 2013 est exceptionnel. Le deuxième tirage du livre de Thomas Piketty « Le capital au XXIè siècle » était épuisé avant d’être imprimé. Le succès très mérité de cet admirable travail est sans doute aussi celui d’un autre « pavé » de 900 pages répétitives (la répétition dans ce cas aide la lecture), « Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance » du moine bouddhiste français d’obédience tibétaine Matthieu Ricard, ... Et ce succès devrait logiquement être aussi celui du « Handbook on the Economics of Reciprocity and Social Enterprise » d’une cinquantaine de chercheurs rassemblés par Luigino Bruni et Stefano Zamagni, deux économistes italiens ayant leurs entrées au Vatican (et l’oreille de « Sa Sainteté », inspirateurs de l’encyclique Caritas in veritate). Ces trois ouvrages paraissant simultanément se complètent pour fournir une vue percutante de quelques vices cruciaux de notre système économique et des moyens possibles d’y remédier : les effets des fortes inégalités des revenus marchands peuvent être corrigés, plutôt que par la pure violence de l’impôt, par d’autres mécanismes et organisations économiques qui conservent les vertus d’efficacité des marchés tout en évitant leurs effets relationnels et distributifs délétères, mais cela requiert le développement de motivations moins égocentrées. …/…



 [L]e brouillard de pessimisme qui enveloppe le paysage économique et social n’est peut-être pas si opaque. On progresse au moins en connaissance et en compréhension. Les travaux cités et quelques autres fournissent des éclairages essentiels qui font mieux voir le fond des problèmes et peuvent permettre de mieux gérer la gouvernance des entités économiques et sociales et de soi-même. Surprise ou signe des temps, deux de ces ouvrages se relient à une religion ou, du moins, une spiritualité. Ce tournant peu prévu peut indiquer à quel champ de recherche, d’action et de combat, pour le lien social et la liberté ultime de l’auto-formation, est arrivé le progrès humain au XXIè siècle. Comme pour le marché, cependant, il faut séparer le bon grain de l’ivraie, le nécessaire du périlleux. Pour l’un, l’efficacité de l’égocentrisme (aussi sujet du non-soi bouddhiste). Pour l’autre, l’opium social des moyens de l’esprit.
 
Serge KOLM, 16/11/2013, extraits de l'article publié in extenso à : http://nagasenamenandre.blogspot.fr/p/blog-page_21.html