le dharma de la décroissance


La voie de la décroissance.
 Pour une société d’abondance frugale.

Par Serge Latouche, Professeur émérite d’économie à l’Université d’Orsay, objecteur de croissance.


« Est riche celui qui sait qu’il possède assez ».
Lao Tseu

« Au XIXéme siècle, le bonheur va être essentiellement lié au bien-être, obtenu grâce à des moyens mécaniques, industriels, et grâce à la production. (...) Cette image du bonheur nous a fait passer à la société de consommation. Maintenant que nous faisons l’expérience que la consommation ne fait pas le bonheur, nous connaissons une crise des valeurs ».
Jacques Ellul1

Résumé
 
Si le bonheur, selon le mot de Saint-Just, est une idée neuve en Europe à veille de la Révolution française, c’est qu’à la différence de la béatitude céleste et de la félicité publique, il s’agit d’un bien-être matériel et individuel, antichambre du PIB par tête des économistes. La société de croissance, dont le programme correspond à celui de la modernité (le plus grand bonheur pour le plus grand nombre), trahit ses promesses. La consommation est limitée au petit nombre et n’engendre pas le bonheur, comme le démontrent les travaux de la New Economics Fundation avec l’happy planet index, avec en prime le crash écologique assuré. Dès lors, il faut revenir à la sagesse millénaire de la limitation des besoins pour retrouver l’abondance dans la frugalité avec la perspective de construire un futur soutenable. Telle est la voie de la décroissance.

Introduction : Le programme de la société de croissance n’est autre que celui de la modernité, à savoir le plus grand bonheur pour le plus grand nombre. Il a été formulé presque simultanément par toute une série de penseurs de l’Europe des Lumières, de Cesare Beccaria à Jeremy Bentham. En effet, comme le remarque Jacques Ellul : "L'idéologie du bonheur exige une croissance de consommation de bien-être en établissant le terrain favorable pour l'éclosion de nouveaux besoins. (...) Mais plus la consommation augmente, plus l'idéologie du bonheur doit être puissante pour combler le vide de l'absurde du cycle engagé. Sans bien-être, le bonheur paraît illusoire et vain, il est dépossédé de tous ses moyens de réalisation. La voie pour accéder au bonheur est celle du bien-être, et seulement de lui. Au fur et à mesure, le bien-être a d'ailleurs pris une telle importance que l'on est tenté de minimiser le bonheur, notion floue, incertaine, complexe, comportant une survivance de subjectivités regrettables, et de sentimentalité romantique. Des sociologues, des économistes actuels préfèrent de beaucoup avoir affaire au bien-être (niveau de vie, style de vie, etc.) qui peut être cerné, analysé, à la rigueur, chiffré"2. Or nous assistons à la faillite de ce bonheur quantifié et donc à l’écroulement de l’un des piliers imaginaires de la société occidentale aujourd’hui mondialisée. D’autres conceptions du bonheur se cherchent ici ou là, mais sans remise en cause des fondements de la société de croissance et l’invention d’une société d’abondance frugale, il n’y a aucune chance de les voir aboutir.

1 La faillite du plus grand bonheur quantifié
 
Pour concevoir et construire une société d’abondance frugale et une nouvelle forme de bonheur, il faut déconstruire l’idéologie du bonheur quantifié de la modernité ; autrement dit pour décoloniser l’imaginaire du PIB par tête, il faut comprendre comment il s’est mis en place.

1.1 Du bonheur au PIB
 
Quand Saint-Just déclare que le bonheur est une idée neuve en Europe à veille de la Révolution française, il faut bien comprendre qu’à la différence de la béatitude céleste et de la félicité publique, il s’agit d’un bien-être matériel et individuel, antichambre du PIB par tête des économistes. Et effectivement, dans ce sens-là, il s’agit bien d’une idée neuve qui émerge un peu partout en Europe, mais principalement en Angleterre (happyness) et en France. La déclaration d’indépendance du 4 Juillet 1776 des Etats-Unis d’Amérique, pays où sur un terrain prétendu vierge se réalise l’idéal des Lumières, proclame comme objectif : « La vie, la liberté et la recherche du bonheur ».
Dans le passage du bonheur au PIB par tête, il se produit une triple réduction supplémentaire : 

1) le bonheur terrestre est assimilé au bien-être matériel, la matière étant conçue au sens physique du terme, 
2) le bien-être matériel est ramené au bien-avoir statistique, c’est-à-dire à la quantité de biens et services marchands et assimilés produits et consommés, 
3) l’évaluation de la somme des biens et services est calculée brute, c’est-à-dire compte non tenu de la perte du patrimoine naturel et artificiel nécessaire à sa production.

Le premier point est explicite dans le débat entre Thomas Robert Malthus et Jean Baptiste Say. Malthus commence par nous faire part de sa perplexité : "Si la peine qu'on se donne pour chanter une chanson est un travail productif, écrit-il, pourquoi les efforts qu'on fait pour rendre une conversation amusante et instructive et qui offrent assurément un résultat bien plus intéressant seraient-ils exclus du nombre des actuelles productions ? Pourquoi n'y comprendrait-on pas les efforts que nous avons besoin de faire pour régler nos passions et pour devenir obéissants à toutes les lois divines et humaines, qui sont, sans contredit, le plus précieux des biens ? Pourquoi, en un mot, exclurions-nous une action quelconque dont le but est d'obtenir le plaisir ou d'éviter la douleur, soit dans le moment même soit dans l'avenir ? » Certes, mais alors, il observe lui-même que cela mène tout droit à l’autodestruction de l’économie comme champ spécifique. « Il est vrai qu'on pourrait y comprendre de cette manière, remarque-t-il fort justement, toutes les activités de l'espèce humaine pendant tous les instants de la vie3." Finalement, il se rallie au point de vue réducteur de Say : « Si donc, avec M. Say, écrit Malthus, nous voulons faire de l’économie politique une science positive fondée sur l’expérience et susceptible de donner des résultats précis, il faut prendre le plus grand soin d’embrasser seulement, dans la définition du terme principal dont elle se sert (il s’agit de la richesse), les objets dont l’accroissement et la diminution peuvent être susceptible d’évaluation ; et la ligne qu’il est le plus naturel et le plus utile de tracer nettement est celle qui sépare les objets matériels des objets immatériels »4.
En cohérence donc avec Jean-Baptiste Say qui définit ainsi le bonheur par la consommation, Ian Tinbergen proposait naguère de rebaptiser le PNB purement et simplement BNB (Bonheur National Brut)5. Cette prétention arrogante de l'économiste Hollandais n'est en fait qu'un retour aux sources. Le bonheur se matérialisant en bien-être, version euphémisée du "bien-avoir", toute tentative de trouver d’autres indicateurs de la richesse et de la félicité serait vaine. Le PIB est le bonheur quantifié.
Mais alors après deux siècles de croissance et une multiplication colossale de la production, nous devrions nager dans le bonheur. Et pourtant ce n’est pas le cas. Certes, comme le rappelle judicieusement Jean Gadrey, les comptables nationaux, lorsqu'on les attaque sur ce point, déclarent que "le PIB et la croissance ne mesurent pas le bien-être, il ne sont pas faits pour ça"6. N'empêche que si le public s'y trompe, c'est que tout est fait pour cela. Des hommes politiques aux médias, dans les jeux olympiques de la croissance, le palmarès des PIB par tête est présenté comme le résultat de la course mondiale au bien-être, sinon au bonheur. La confusion est d'autant plus facile que le PIB par tête est fortement relié dans l'imaginaire et dans les faits au niveau de vie et au niveau de salaire. Nous avons été "formatés" à y voir la mesure de notre bien-être en tant que celui-ci serait strictement proportionnel à notre consommation marchande. "Le niveau de vie, écrit, de façon significative, Jean Fourastié, est mesuré par la quantité de biens et services que permet d'acheter le revenu national moyen.7"

1.2 Du rêve au cauchemar
 
Il est facile de faire justice de cette prétention d’assimiler bonheur et PIB par tête et de montrer que le Produit Intérieur ou National ne mesure que la "richesse" marchande et celle qu'on peut lui assimiler. Sont exclus, en effet, du PIB, Les transactions hors marché (tâches domestiques, bénévolat, travail au noir) tandis que les dépenses de « réparation » sont comptées en positif et que les dommages engendrés (externalités négatives) ne sont pas déduits, ni la perte du patrimoine naturel. "Le PIB est donc, point essentiel, notent encore Gadrey et Jany-Catrice, un flux de richesse purement marchande et monétaire. Quant à la croissance, c'est la progression du PIB, c'est-à-dire la progression du volume de toutes les productions de biens et de services qui se vendent, ou qui coûtent monétairement, produites par du travail rémunéré"8. Autrement dit, "Tout ce qui peut se vendre et qui une valeur ajoutée monétaire va gonfler le PIB et la croissance, indépendamment du fait que cela ajoute ou non au bien-être individuel et collectif. (...) De nombreuses activités et ressources qui contribuent au bien-être ne sont pas comptées, simplement parce qu'elles ne sont pas marchandes ou qu'elles n'ont pas coût de production monétaire direct"9. On dit encore que le PIB mesure les outputs ou la production non les outcomes ou les résultats.
 
Il convient de rappeler le très beau discours de Robert Kennedy (écrit probablement par John Kenneth Galbraith) prononcé quelques jours avant qu’il soit assassiné. "Notre PIB (...), déclarait Bob Kennedy, comprend aussi la pollution de l'air, la publicité pour les cigarettes et les courses des ambulances qui ramassent les blessés sur les routes. Il comprend la destruction de nos forêts et la destruction de la nature. Il comprend le napalm et le coût du stockage des déchets radioactifs. En revanche, le PIB ne tient pas compte de la santé de nos enfants, de la qualité de leur instruction, de la gaieté de leurs jeux, de la beauté de notre poésie ou de la solidité de nos mariages. Il ne prend pas en considération notre courage, notre intégrité, notre intelligence, notre sagesse. Il mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue"10.

La société économique de croissance et de bien-être ne réalise pas l’objectif proclamé de la modernité, à savoir : le plus grand bonheur pour le plus grand nombre. Nous le constatons d’évidence. Herman Daly a pu montré avec le genuine progress indicator (indice de progrès authentique) que, au delà d’un certain seuil, les coûts de la croissance (dépenses de réparation et de compensation) étaient supérieures en moyenne à ses bénéfices11. Cela renforce l’intuition d’Ivan Illich selon qui « Le taux de croissance de la frustration excède largement celui de la production ». On est confronté au sophisme de la formule journalistique provocatrice reprise pour la plupart des pays en croissance à un moment ou un autre : "l'économie se porte bien, mais les citoyens vont mal". Ainsi, "Le Japon va mieux, les japonais moins bien", titrait Le Monde Économie du 18 novembre 2003. Cela est particulièrement d'actualité avec la mondialisation, dès lors que le fameux trickle-down du développement (c'est-à-dire l'effet de diffusion ou de retombée) s'est mué en trickle-up (accroissement des inégalités).
Si, faisant un pas supplémentaire, on tente de remonter du bien-être au bonheur, les écarts, pour autant qu'on puisse les mesurer sont impitoyables. Dans un livre remarquable "The loss of happiness in Market Democracies", Robert E. Lane recense tous les biais théoriques possibles de la comptabilité pour essayer de mesurer, malgré tout, l'évolution du bonheur personnel (subjective well-being) dans les sociétés libérales. Sa conclusion est que la progression du niveau matériel de vie, aux Etats-Unis, s'est accompagnée d'une baisse indiscutable du bonheur réel de la majorité des Américains. Cette baisse serait essentiellement due à la dégradation effective des rapports humains fondamentaux (ce que Lane nomme companionship)12. Ce constat est confirmé par de nombreuses enquêtes d'opinion sur le bien-être subjectif opposé au beaucoup-avoir du PIB qui permettent de se faire une idée sur le sujet.


Désormais, une ONG britannique, la New Economic Foundation, établit même depuis quelques années, en croisant le résultat des enquêtes sur le sentiment de bien-être vécu, l’espérance de vie et l’empreinte écologique, un indice de la félicité (Happy planet index) qui renverse tant l’ordre classique des PNB par tête que celui de l’indice de développement humain (IDH). En 2006 arrivaient en premier le Vanuatu, la Colombie, le Costa Rica tandis que la France n’arrivait qu’en 131ème position et les Etats-Unis 150ème. En 2009, le classement met en tête le Costa Rica, suivi de la République Domincaine, de la Jamaïque et du Guatemala. Les Etats-Unis n’arrivent qu’en 114ème position13. Ce paradoxe s’explique parce que la société dite « développée » repose sur la production massive de la déchéance, c’est-à-dire une perte de valeur et une dégradation généralisée tant des marchandises que l’accélération du « jetable » transforme en rebut, que des hommes exclus ou licenciés après usage, du P. D. G et du manager jetables aux chômeurs, SDF, clochards et autres déchets humains.
La théologie utilisait un beau mot pour désigner la situation de ceux à qui la grâce avait manqué : la déréliction. L’Italien, plus religieux, en fait un usage quotidien laïcisé et parle des « disgraziati » (les malchanceux). L’économie de croissance fonctionne à la déréliction et multiplie les « disgraziati ». Dans une société de croissance, en effet, ceux qui ne sont pas des gagnants, des tueurs, sont tous plus ou moins des déchus, voire des déchets. D’après les données statistiques, plus de 3 millions de personnes dorment chaque nuit sous les ponts ou dans des parcs aux Etats-Unis14. A la limite, au terme de la concurrence et de la guerre de tous contre tous, il n’y a qu’un seul vainqueur, donc un seul challenger potentiellement heureux, encore que son statut, nécessairement précaire, le condamne aux affres de l’anxiété. Tout le reste est voué aux tourments de la frustration, de la jalousie et de l’envie. Il est finalement assez simple de comprendre pourquoi notre richesse nous appauvrit. Une société fondée sur l’avidité et la compétition produit nécessairement une masse énorme de « perdants » absolus (les laissés pour compte) et relatifs (les résignés), donc de frustrés à côté d’un petit groupe de prédateurs toujours plus anxieux de consolider leur position ou de la renforcer. L’assimilation de la croissance à une élévation du bien-être et à plus forte raison du bonheur est selon l’expression de Jean Baudrillard « un extraordinaire bluff collectif (...) une opération de magie blanche »15.

1.3 Le retour du refoulé : l’économie civile de la félicité.
 
Pour dépasser cette faillite, on cherche de nouveaux indices qui renoueraient avec le bonheur originel. Ainsi, avec un certain humour, le roi du Bhoutan, reprenant en quelque sorte avec la proposition de Tinbergen mais dans un sens opposé, a inscrit dans la constitution l'objectif de l'accroissement du BNB (bonheur national brut). On a vu fleurir, dans la même veine, toutes sortes de projets d’indices alternatifs pour « reconsidérer la richesse » avec récupération politique et médiatique16.
 
Le projet d’une « économie » civile ou de la félicité développé surtout par un groupe d’économistes italiens (représenté principalement par Stefano Zamagni, Luigino Bruni, Benedetto Gui et Leonardo Becchetti) se rattache à la tradition aristotélicienne et procède d’une critique de l’individualisme. La construction d’une telle économie ressuscite la «publica félicità » d’Antonio Genovesi et de l’école napolitaine du XVIIIe siècle que le triomphe de l’économie politique écossaise a refoulé. La félicité terrestre, en attendant la béatitude promise aux justes dans l’au-delà, engendrée par un droit gouvernement (buon governo) poursuivant la recherche du bien commun était, en effet, l’objet de la réflexion des Lumières napolitaines. Tout en intégrant le marché, la concurrence et la poursuite par le sujet marchand de son intérêt personnel, elles ne répudiaient pas l’héritage du thomisme. Ces théoriciens de l’économie civile sont parfaitement conscients du «paradoxe de la félicité» redécouvert par l’économiste américain Richard Easterlin. « È legge dell’universo, écrivait Genovesi, che non si puo’ far la nostra félicita senza far quella degli altri » (« C’est une loi de l’univers que l’on ne peut pas faire notre bonheur sans faire celui des autres »). Il aura fallu deux siècles de destruction frénétique de la planète grâce à la « bonne gouvernance » de la main invisible et de l’intérêt individuel érigé en divinité pour redécouvrir ces vérités élémentaires17.
 
Toute l’économie moderne se serait construite pour éviter « la blessure de l’autre ». Contre le risque ou l’horreur communautaire, la modernité a développé un projet « immunitaire ». Le projet smithien repose, en effet, sur l’immunitas du marché contre la communitas. La bienveillance ne survit alors que comme l’ultime recours du capitalisme compassionnel. Celle à laquelle, chez Smith, seul le mendiant a recours « ressemble plus au munus dont parle Marcel Mauss (un don qui exprime et renforce une asymétrie de pouvoir et de statut dans les relations sociales, qui oblige celui qui le reçoit à redonner à son tour) qu’au don comme expression de gratuité et de liberté réciproque »18. Smith reconnaît que : « En ce qui concerne le bonheur réel (vera felicità) de la vie humaine, les pauvres ne sont en rien inférieurs à ceux qui semblent être tellement au-dessus d’eux », mais du bonheur l’économie qu’il inaugure ne parlera pas. Dans le monde de l’économie, il était même, jusqu’à peu, incongru de parler du bonheur, en particulier en France. C'est sans doute là une des raisons pour laquelle la suggestion de Tinbergen n'a pas été retenue et pas du tout pour l'imposture qu'il y aurait à identifier "bien-avoir" et bien-être. La tentative de Philippe d’Iribarne et du CEREBE (Centre d’études et de recherches en économie du bien-être) dans les années soixante-dix d’inclure le bonheur dans une évaluation économique n’a pas débouché sur une percée significative et après quelques années le chantier a été abandonné19.
 
Assez logiquement, les théoriciens de l’économie de la félicité aboutissent à réhabiliter une certaine forme de sobriété rejoignant les idées du mouvement de la simplicité volontaire20. Cette économie civile de la joie de vivre résonne fortement avec la vision d’une société de décroissance. Elle véhicule toutefois une double ambiguïté. D’une part, elle laisse survivre le corps moribond de ce qu’elle prétend abolir, l’économie comme rationalité calculatrice, d’autre part, en abolissant la frontière entre l’économique et le non économique, elle maintient ouverte la voie, à son insu sans doute, à un pan-économisme encore plus envahissant que celui qu’elle prétend combattre21. Tenter d’inclure l’incalculable dans le calcul mène évidemment à une impasse. Castoriadis disait toujours : je préfère acquérir un nouvel ami qu'une nouvelle voiture. Oui, mais un nouvel ami, ça vaut combien ? C’est pourquoi les économistes de l’école de la félicité ont du mal à être pris en considération par les vrais économistes.
Parcourir en sens inverse la voie de l’économique qui nous a fait passé du bonheur, forme terrestre de la béatitude, au produit intérieur brut par tête, à travers la réduction du bien-être vécu au bien avoir statistique finalement mesuré par la quantité de biens marchands consommés individuellement, sans se préoccuper des autres et de la nature, est certes une nécessité. Toutefois cette metanoia (régression) ne doit pas s’arrêter en chemin et laisser perdurer le mythe du progrès indéfini. Retrouver le sens de la mesure n'est-ce pas d'abord sortir de l'obsession du mesurable et dire adieu à l'économie pour retrouver le social ? Plus conséquents que les économistes hétérodoxes sur le fait que ce qui compte ne se compte pas, les amérindiens de Bolivie et d’Equateur ont fait inscrire plus simplement le Sumak Kausai, terme qui en quechua signifie tout simplement Buen vivir ou vivre bien, comme objectif, dans leur nouvelle constitution.

2 Le bonheur retrouvé dans la frugalité conviviale
 
Trouver ou retrouver le bonheur reste une aspiration plus que jamais partagée. La faillite de la réalisation de cet objectif par la société de croissance oblige à le redéfinir. La redéfinition du bonheur comme « abondance frugale dans une société solidaire » correspond à la rupture du projet de la décroissance. Elle suppose de sortir du cercle infernal de la création illimitée de besoins et de produits et de la frustration croissante qu’il engendre, et complémentairement, de tempérer l’égoïsme résultant d’un individualisme réduit à une massification uniformisante. Le premier volet se réalise par l’autolimitation pour aboutir à l’abondance frugale, le deuxième par la réhabilitation de l’esprit du don et la promotion de la convivialité.
Le bouleversement requis par la construction d'une société autonome de décroissance peut être représenté par l'articulation systématique et ambitieuse de huit changements interdépendants qui se renforcent les uns les autres, un "cercle vertueux" de sobriété choisie en 8    « R » :    Réévaluer,    Reconceptualiser,    Restructurer,    Relocaliser,    Redistribuer,    Réduire, Réutiliser, Recycler. Ces objectifs nous paraissent susceptibles d'enclencler une dynamique de décroissance sereine, conviviale et soutenable.

2.1) L’autolimitation des besoins et l’abondance frugale.
 
L’analyse de ce que certains ont appelé « l’école » de l’après-développement d’où sont sortis les « partisans » de la décroissance ou « objecteurs de croissance », se distingue des analyses et des positions des autres critiques de l’économie mondialisée contemporaines (mouvement altermondialiste, mouvement anti-utilitariste ou économie solidaire) et des propositions de changement individuels comme le mouvement de la simplicité volontaire, en ce qu’elle ne situe pas le cœur du problème dans le néo ou l’ultra-libéralisme, ou dans ce que Karl Polanyi appelait l’économie formelle, c’est-à-dire l’univers du marché, mais dans la logique de croissance perçue comme essence de l’économicité. En cela, le projet est radical. Il ne s’agit pas de substituer une « bonne économie » à une « mauvaise », une bonne croissance ou un bon développement à de mauvais, en les repeignant en vert ou en social ou en équitable, avec une dose plus ou moins forte de régulation étatique ou d’hybridation par la logique du don et de la solidarité. Il s’agit ni plus ni moins de sortir de l’économie. Cette formule est généralement incomprise car nos contemporains ont du mal à prendre conscience que l’économie est une religion. Quand nous disons que, pour parler de façon rigoureuse, nous devrions parler d’a-croissance comme on parle d’a-théisme, c’est très exactement de cela qu’il s’agit. Devenir des athées de la croissance et de l’économie.
Bien sûr, comme toute société humaine, une société de décroissance devra organiser la production de sa vie, c’est-à-dire utiliser raisonnablement les ressources de son environnement et les consommer à travers des biens matériels et des services, mais un peu comme ces sociétés d’abondance de l’âge de pierre décrites par Marshall Salhins qui ne sont jamais entrées dans l’économique22. Elle ne le fera pas dans le corset de fer de la rareté, des besoins, du calcul économique et de l’homo œconomicus. Ces bases imaginaires de l’institution de l’économie doivent être remises en question. Comme l’avait bien vu Baudrillard en son temps, « une des contradictions de la croissance est qu’elle produit en même temps des biens et des besoins, mais qu’elle ne les produit pas au même rythme ». Il en résulte ce qu’il appelle « une paupérisation psychologique», un état d’insatisfaction généralisée, qui « définit, dit-il, la société de croissance comme le contraire d’une société d’abondance »23. La frugalité retrouvée permet de reconstruire une société d’abondance sur la base de ce qu’Ivan Illich appelait la « subsistance moderne». C’est-à-dire « le mode de vie dans une économie post-industrielle au sein de laquelle les gens ont réussi à réduire leur dépendance à l’égard du marché, et y sont parvenus en protégeant – par des moyens politiques – une infrastructure dans laquelle techniques et outils servent, au premier chef, à créer des valeurs d’usage non quantifiées et non quantifiables par les fabricants professionnels de besoins »24. Il s’agit sortir de l’imaginaire du développement et de la croissance, et de réenchâsser le domaine de l’économique dans le social par une aufhebung (abolition/dépassement).
Sortir de l’imaginaire économique implique cependant des ruptures bien concrètes. Il s’agira de fixer des règles qui encadrent et limitent le déchaînement de l’avidité des agents (recherche du profit, du toujours plus) : protectionnisme écologique et social, législation du travail, limitation de la dimension des entreprises, etc. Et en premier lieu la « démarchandisation » de ces trois marchandises fictives que sont le travail, la terre et la monnaie. On sait que Karl Polanyi voyait dans la transformation forcée en marchandises de ces trois piliers de la vie sociale le moment fondateur du marché autorégulateur. Leur retrait du marché mondialisé marquerait le point de départ d’une réincorporation/réencastrement de l’économique dans le social. En même temps qu’une lutte contre l’esprit du capitalisme, il conviendra donc de favoriser les entreprises mixtes où l’esprit du don et la recherche de la justice tempèrent l’âpreté du marché. Bien sûr, à partir de l’état présent pour atteindre « l’abondance frugale », la transition implique des régulations et des hybridations et de ce fait, les propositions concrètes des altermondialistes, des tenants de l’économie solidaire et jusqu’aux exhortations à la simplicité volontaire, peuvent recevoir un appui total des partisans de la décroissance. Si la rigueur théorique (l’éthique de la conviction de Max Weber) exclut les compromissions de la pensée, le réalisme politique (l’éthique de la responsabilité) suppose des compromis pour l’action. La conception de l’utopie concrète de la construction d’une société de décroissance est révolutionnaire, mais le programme de transition pour y arriver est nécessairement réformiste25. Beaucoup de propositions « alternatives » qui ne se revendiquent pas explicitement de la décroissance peuvent donc fort heureusement y trouver pleinement leur place.

2.2) La place de la convivialité et l’esprit du don.
 
Un élément important pour sortir des apories du dépassement de la modernité est la convivialité. De même qu’elle s’attaque au recyclage des déchets matériels, la décroissance se doit de s’intéresser à la réhabilitation des déchus. Si le meilleur déchet est celui qui n’est pas produit, le meilleur déchu est celui que la société n’engendre pas. Une société décente ou conviviale ne produit pas d’exclus.
La convivialité dont Ivan Illich emprunte le terme au grand gastronome français du XVIIIème siècle, Brillat Savarin (La physiologie du goût. Méditations de gastronomie transcendantale), vise précisément à retisser le lien social détricoté par "l'horreur économique" (Rimbaud). La convivialité réintroduit l'esprit du don dans le commerce social à côté de la loi de la jungle et renoue ainsi avec la philia (l'amitié) aristotélicienne. Ce souci rejoint tout à fait l’intuition de Marcel Mauss qui dans son article de1924, « Appréciation sociologique du bolchevisme », plaide « au risque de paraître vieux jeu et diseur de lieux communs » à revenir « aux vieux concepts grecs et latins de caritas, que nous traduisons aujourd’hui si mal par charité, de philia, de koinomia, de cette ‘amitié’ nécessaire, de cette ‘communauté’ qui sont la délicate essence de la cité » 26.

Il importe aussi de conjurer la rivalité mimétique et l'envie destructrice qui menacent toute société démocratique. Dans la société moderne, en effet, la justice est à la fois nécessaire et improbable. Nécessaire pour éviter la guerre de tous contre tous que provoquerait sans cela la disparition des liens traditionnels. Improbable, car elle suppose l'égalité, elle-même impossible, et un monde commun détruit par le phantasme de la liberté sans limites. C'est pourquoi l'esprit du don et sa grâce sont nécessaires à une société de décroissance pour qu'elle soit conviviale. Une justice purement formelle, même quand elle fonctionne bien, règle les conflits entre les individus mais enferme les atomes sociaux dans le désert de leur solitude sans porter remède aux situations de misère matérielle et morale qui découlent en particulier des conflits de classes.
L'esprit du don, essentiel à la construction d'une société de décroissance, est en fait présent dans chacun des huit "R" qui forment le cercle vertueux proposé pour mettre en place l’utopie concrète de la société autonome. En particulier dans le premier « R », réévaluer, puisqu’il s’agit de substituer aux valeurs de la société marchande - la concurrence exacerbée, le chacun pour soi, l’accumulation sans limites - et à la mentalité prédatrice dans les rapports avec la nature, les valeurs d’altruisme, de réciprocité et de respect de l’environnement. Le mythe de l’enfer des longues fourchettes par lequel s’ouvre la seconde partie du livre « Le pari de la décroissance » est explicite sur ce point27 : l’abondance combinée au chacun pour soi produit de la misère, tandis que le partage, même dans la frugalité, engendre la satisfaction de tous, voire la joie de vivre28.
Le deuxième « R », reconceptualiser, insiste, de son côté, sur la nécessité de repenser la richesse et la pauvreté. La « vraie » richesse est faite des biens relationnels, ceux précisément qui sont fondés sur la réciprocité et la non rivalité, le savoir, l’amour, l’amitié. A l’inverse, la misère est avant tout psychique et résulte de l’abandon dans la « foule solitaire » par laquelle la modernité a remplacé la communauté solidaire.
L'entrée dans le don, au sein du projet de la décroissance, se fait de prime abord par la dette. Dette écologique qui pèse lourdement du poids de la nécessité pour sortir de la société de croissance. Il est impératif de réduire le poids de notre mode de vie sur la biosphère, l'empreinte écologique dont l'excès est un emprunt aux générations futures et à l'ensemble du cosmos, mais aussi aux peuples du Sud. C’est donc l’obligation de rendre en retour qui est au cœur de la plupart des autres «R»: redistribuer, réduire, réutiliser, recycler. Redistribuer renvoie à l’éthique du partage, Réduire (son empreinte écologique), au refus de la prédation et de l’accaparement, Réutiliser, au respect pour le don reçu et Recycler, à la nécessité de restituer à la nature et à Gaïa ce qu’on leur a emprunté.
À l'arrière plan philosophique, on retrouve encore le primat du don, mais d'un don peu explicité dans la littérature traditionnelle sur le don : celui de l’être. L'économie et la modernité sont critiquées et dénoncées dans la décroissance parce que, fondamentalement, elles sont un déni du don de l'être. En instituant la rareté pour marchandiser la fécondité de la nature et en refusant d'accepter de prendre en compte le "revers" de la production marchande, c'est-à-dire les déchets, la pollution, la destruction de l'environnement, le bouleversement des équilibres écosystèmiques, la société de croissance fait preuve d’un "oubli" de l'être. C’est notre situation dans un monde à la fois généreux et limité où nous sommes condamnés à vivre en symbiose avec les autres espèces végétales et animales sans prétendre nous en affranchir qui est ainsi niée. L'arrogance insensée d'une artificialisation du monde dont témoignent les perspectives de transhumanité dans les projets de convergence des nanotechnologies, des biotechnologies et des technologies de la communication, manifeste un refus de notre humaine condition au fondement de la société de croissance. Pour ne pas être en dette avec Dieu ou avec la nature, nous rejetons le don.


Conclusion : Le tao de la décroissance.

 
La voie c’est le Tao de Lao-Tseu, c’est le Do du Zen japonais, mais c’est aussi le Dharma des Hindous et l’ethos d’Aristote. C’est plus et moins que l’éthique comme nous l’entendons en Occident. C’est un chemin à inventer avec l’aide d’un maître qui n’existe peut-être pas. La voie de la décroissance, c’est le retour de la sagesse et la voie de la sagesse n’est pas celle de la raison rationnelle.
La voie de la décroissance est une ouverture, une invitation à trouver un autre monde possible. Cet autre monde, nous l’appelons la société de la décroissance. L’invitation vaut pour y vivre, ici et maintenant, et pas seulement dans un hypothétique futur que, tout souhaitable qu’il soit, nous ne connaîtrons sans doute jamais. Cet autre monde est donc aussi dans celui-ci. Il est aussi en nous. La voie est aussi un regard, un autre regard sur ce monde-ci, un autre regard sur nous-mêmes.
La voie de la décroissance est-elle la route du bonheur ? La voie de la décroissance est, en tout cas, une issue à la déchéance massive engendrée par la société de croissance. Une voie de sortie, pour regagner l’estime de soi. C’est la voie pour reconstruire une société décente.

Construire une société éco-socialiste plus juste et plus démocratique, une société d’abondance frugale fondée sur l’autolimitation des besoins, tel est le programme de la décroissance. L’acquiescement à l’être n’étant pas une soumission à l’étant, c’est dans la résistance au consumérisme complice de la banalité économique du mal que l’objecteur de croissance invente une autre félicité. La décroissance sera joyeuse ou ne sera pas ! La crise de civilisation que nous vivons nous offre, peut-être, l’opportunité de nous engager dans cette voie.

1 Jacques Ellul, Ellul par lui-même. Entretiens avec Willem H. Vanderburg. Ed. La table ronde, Paris 2008. P. 72.

2 Jacques Ellul, Métamorphose du bourgeois, La table ronde, Paris 1998, p. 93. Pour être bien sûr d'être compris, il en rajoute une couche : "Le bonheur est la valeur idéologique du bien-être. Il en est la forme, la gloire et la légitimation. Mais sans bien- être, le bonheur n'est plus pour l'homme réaliste de ce temps que mensonge et dérision", Ibid. p. 94.

3 Thomas Robert Malthus, Principes d'économie politique, Arthaud, Paris 1820, p. 28. 

4 Thomas Robert Malthus, Principes d’économie politique, ed Calmann-Levy, 1969 p. 13. 

5 Jan Tinbergen, Politique économique et optimum social, Economica, Paris, 1972. 

6 Jean Gadrey, De la critique de la croissance à l'hypothèse de la décroissance, Croissance et innovation, Cahiers français, n° 323. repris dans Gadrey Jean et Florence Jany-Catrice, Les nouveaux indicateurs de richesse. La découverte/Repères 2005.

7 Jean Fourastié, article "Niveau de vie" dans le Dictionnaire des sciences économiques de Jean Romoeuf, PUF, Paris 1958, p. 800. 

8 Gadrey et Jany-Catrice, op. cit, p. 17. 

9 Ibid. p. 18.

10 cité par Derek Rasmussen : "Valeurs monétisées et valeurs non monétisables" (titre original "The Priced versus the priceless"), Interculture n° 147, Octobre 2004, Montreal. 

11 Formule de l’indice : Consommation marchande des ménages + services du travail domestique + dépenses publiques non défensives - dépenses privées défensives - coûts des dégradations de l'environnement - dépréciation du capital naturel + formation de capital productif.
 
12 Robert E. Lane, The loss of happiness in Market Democracies", Yale University Press, 2000. voir aussi, Jean-Claude Michea, Orwell éducateur, Climats, 2003, p. 162.

13 WWW.happyplanetindex.org. Voir aussi, Alessandra Retico, « Felicità. I nuovi paradisi non conoscono il PIL, La republica du 8 juillet 2009. 

14 Romain Huret, L’Amérique pauvre. Thierry Magnier, 2010. P. 64. 

15 Jean Baudrillard, La société de consommation, ed. Denoël, 1970, p. 42. 

16 Patrick Viveret, Reconsidérer la richesse. L'aube/nord, 2003. 

17 Transformées en langage scientifique grâce à des tests expérimentaux. Elles ont même valu un prix dit Nobel (2004) d’économie à Daniel Kahneman. En mettant en évidence un treadmill effect (effet de tapis roulant), ce dernier montrait que l’augmentation du revenu nécessitait la recherche continuelle de nouvelles consommations pour maintenir le même niveau de satisfaction. 

18 Ibid. p. 42. 

19 Les italiens parlent plus volontiers de félicité. Et paradoxalement, les anglo-saxons aussi. Toutefois, l’happyness est conçu comme un «subjective well-being» (Lane), alors que le bonheur en français implique un dépassement de l’individualisme qui remet en question le paradigme de l’économie. 

20 « Je suis en effet convaincu qu’il n’y a pas de bonheur/félicité, écrit Bruni, sans une certaine forme de pauvreté (comprise comme affranchissement par soi-même des marchandises, du pouvoir...) librement choisie : cette pauvreté-là est une de ces blessures auxquelles est attachée une bénédiction », Ibid. p. 179. Cependant, cette autolimitation, pour avoir quelqu’impact, ne doit pas seulement être un choix individuel, ce doit être un projet collectif. 

21 "Nous ne sommes pas, pour notre part, écrivent Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice, enthousiasmés par l'idée que, pour pouvoir se faire entendre lorsqu'on défend une vision non strictement économique de la richesse et du progrès, il faille obligatoirement en passer par la valorisation économique de toutes les variables non économiques. On peut y voir une contradiction dans les termes, qui signerait la victoire définitive de l'économie comme valeur suprême et comme seule justification crédible des actions en faveur de la justice, du lien social ou de l'environnement. Justifier le bénévolat, c'est-à- dire, le don, et sa contribution sociétale par une valeur monétaire, c'est-à-dire, qu'on le veuille ou non, par une référence au marché, quel incroyable aveu d'impuissance à faire prévaloir d'autres valeurs que celles de l'économie marchande ». Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice, Les nouveaux indicateurs de richesse. La découverte/Repères 2005, p. 49.

22 « Dans les sociétés traditionnelles, (...) structuralement, l’économie n’existe pas », Marshall Salhins, Age de pierre, âge d'abondance. L'économie des sociétés primitives (1972). Gallimard, 1976, p. 118. « Il n’y a rien qui ressemble à une économie dans la réalité extérieure jusqu’au moment ou nous construisons un tel objet » Louis Dumont, Homo aequalis. Gallimard,1977, p. 33.

23 Jean Baudrillard, op. cit. pp. 83-87. 

24 Ivan Illich, Le chômage créateur, Le Seuil, 1977, p. 87/88.
 
25 En cela nous rejoignons le point de vue d’Arne Naess : « Réforme ou révolution ? J’envisage un changement d’une taille et d’une profondeur révolutionnaire au moyen d’un grand nombre de petites avancées dans une direction radicalement nouvelle. Cela me place-t-il essentiellement aux côtés des réformistes politiques ? Difficilement. La direction est révolutionnaire, la voie est celle de la réforme ». Op . cit, p. 231.

26 Ici, cité par Philippe Chanial, in La délicate essence du socialisme. L’association, l’individu et la République, Le bord de l’eau, 2009.p. 35

27 Voir Le pari de la décroissance (Fayard, 2006), chapitre six.

28 La perspective du care élaborée par les féministes en réaction contre l’imposture de la domination exclusive du « souci de soi » de la société moderne rejoint tout-à-fait le bouleversement éthique réclamé par la décroissance. Ainsi, pour J. C. Tronto, elle requiert de « concilier ses propres besoins avec ceux des autres, équilibrer la compétition avec la coopération », Cité par Alice le Goff, Care, empathie et justice, Revue du MAUSS, N° 33, 1er semestre 2009, P. 360.

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