16/11/2013
Serge KOLM
(publié avec l'aimable autorisation de l'auteur)
(publié avec l'aimable autorisation de l'auteur)
Pour
qui se soucie de la qualité de la société, le cru de publications de l’automne
2013 est exceptionnel. Le deuxième tirage du livre de Thomas Piketty « Le
capital au XXIè siècle » était épuisé avant d’être imprimé. Le succès très
mérité de cet admirable travail est sans doute aussi celui d’un autre
« pavé » de 900 pages répétitives (la répétition dans ce cas aide la
lecture), « Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la
bienveillance » du moine bouddhiste français d’obédience tibétaine
Matthieu Ricard, fils de « notre » Jean-François Revel (les
philosophes, le style du général, Proust, l’Italie, les Stoïciens, l’Express),
proche de « Sa Présence » (Kundun)
le Dalaï Lama , cobaye favori des neurologues étudiant les effets de la
méditation sur le cerveau, et directeur de l’ONG Karuna (« compassion » en Sanskrit) qui soulage des
souffrances au pied des Himalayas. Et ce succès devrait logiquement être aussi
celui du « Handbook on the Economics
of Reciprocity and Social Enterprise » d’une cinquantaine de
chercheurs rassemblés par Luigino Bruni et Stefano Zamagni, deux économistes
italiens ayant leurs entrées au Vatican (et l’oreille de « Sa
Sainteté », inspirateurs de l’encyclique Caritas in veritate). Ces trois ouvrages paraissant simultanément
se complètent pour fournir une vue percutante de quelques vices cruciaux de
notre système économique et des moyens possibles d’y remédier : les effets
des fortes inégalités des revenus marchands peuvent être corrigés, plutôt que
par la pure violence de l’impôt, par d’autres mécanismes et organisations
économiques qui conservent les vertus d’efficacité des marchés tout en évitant
leurs effets relationnels et distributifs délétères, mais cela requiert le
développement de motivations moins égocentrées.
Le
centre de l’intérêt, et du souci, de Thomas Piketty est le très fort
accroissement de l’inégalité des
revenus et des patrimoines. Une telle assertion pose a priori problème à tout
spécialiste de la mesure de l’inégalité. En effet, donnez à celui-ci deux
distributions inégales réelles quelconques – par exemple à deux dates
différentes – et demandez-lui de prouver que l’une (n’importe laquelle) est
plus, ou moins, inégale que l’autre. Il trouvera toujours une mesure de
l’inégalité qui a priori semblera satisfaisante et qui produira ce résultat. Il
choisira pour cela les divers paramètres d’une telle mesure : inégalité
absolue ou relative, pondération des comparaisons des divers niveaux, etc. La
comparaison des inégalités est une branche classique de l’analyse économique
depuis le dernier tiers du XXè siècle, organisée comme toute discipline
scientifique, avec ses questions, ses concepts, son corpus, ses pionniers, son
journal spécialisé, sa société savante, ses congrès généraux réguliers et ad
hoc occasionnels, etc. Ces spécialistes partagent en outre un jugement moral
critique sur les inégalités. Pourquoi ? En fait, ce à quoi ils objectent
vraiment est la pauvreté, plus exactement la misère. Et comme ils savent que la
relation entre les deux n’est pas automatique, que des transferts forcés de
riche à pauvre ont divers effets (un lieu commun est que « la taille du
gâteau dépend de son partage »), la plupart d’entre eux ont aussi étudié
la pauvreté. A un moment, pourtant, vint la nouvelle surprenante que l’un d’eux
étudiait, au contraire, les hauts revenus, sujet qui semblait plus approprié à
une certaine presse. C’était T. P. et son étude empirique pionnière de la
partie haute de la distribution à partir des archives fiscales. Sa motivation
n’était certainement pas l’envie ni même l’admiration (sauf peut-être pour les
gérants qui produisent du 15% régulier) mais plutôt ce fait que les fortunes
laissent plus de traces mesurables que les centimes (mais doit-on chercher ses
clefs sous le réverbère parce qu’il y fait plus clair qu’ailleurs ?),
l’intérêt sociologique, et peut-être la recherche de qui « faire
payer ». L’indice est la fraction du revenu (ou du patrimoine) échéant aux
10% (ou 1%) les mieux lotis. Par exemple, actuellement en France, 10% des
ménages reçoivent à peu près la moitié des revenus. Cette fraction n’était que
du tiers il y a un demi-siècle, mais elle était la même il y a un siècle, à la
« belle époque ». L’effet égalisateur des impôts sur le revenu et
l’héritage, et des guerres et crise, a été rattrapé par l’effet contraire de la
croissance du capital des dernières décennies. Ce ratio dépend beaucoup du
rapport du capital au revenu national puisque le profit, sous toutes ses
formes, est le produit du capital par son rendement (la hausse particulière des
salaires des cadres supérieurs renforce cet effet – il serait éclairant de
l’attribuer aux divers aspects de leur « capital social »). L’ouvrage
donne aussi ce que l’on peut savoir des revenus et du capital aux époques
antérieures, et de la composition du capital à tout moment, pour chaque pays.
Quels problèmes posent ces inégalités ? T. P. nous invite à considérer
diverses sociétés fortement liées à la distribution et à la structure de leur
capital, décrites par des romanciers particulièrement suggestifs comme Balzac
ou Jane Austen (pour le 19è siècle français, Le Père Goriot plutôt que Les
Misérables). Il ne néglige pas les possibilités de la redistribution, comme
le montre sa proposition de remède rappelée plus bas, mais il faut noter que
les gens ressentent surtout les inégalités entre leur situation et celle des
personnes avec qui ils se comparent – donc à situation assez proche de la leur
–, donc des « gens » comme eux plutôt que des « people » du
1% supérieur (un Disneyland qui peut plutôt les faire rêver).
La
concentration des revenus dans les strates les plus riches dépend donc fortement
du rapport du capital au revenu national. Le capital, qui vaut quelques sept
ans de revenu jusqu’en 1914, n’en vaut plus que deux ou trois au milieu du XXè
siècle (après deux guerres et une crise, toutes grandes), mais remonte ensuite
pour se rapprocher de la valeur d’un siècle plus tôt dans notre « nouvelle
belle époque ». Ce rapport, et donc l’inégalité ainsi mesurée, croît
d’autant plus vite que le rendement du capital excède plus le taux de
croissance du revenu national. Or cet écart est devenu particulièrement grand
en perspective historique. La mobilité du capital soutenue par sa
financiarisation, et les innovations, poussent le rendement, tandis que le taux
de croissance soutenable dans la durée est faible (comme l’est, pour commencer,
la croissance démographique). On entre donc en terre économique inconnue
d’inégalité extrême et explosive, sans carte ni précédent, en territoire
inexploré. Uncharted territory. Terra
incognita où « Hic sunt leones ».
Comment la société réagira-t-elle aux défis de cette « nouvelle
frontière » ? En démocratie politique, la puissance publique qui peut
réguler les échanges sera un des enjeux, par la politique choisie par les
masses votantes informées par la parole publique médiatique influencée tant par
son financement que par les bons sentiments.
T.
P. prend cette balle au bond. Sa période de prédilection est 1914-1945 qui
divise par plus de deux le capital par franc de revenu national. Il recherche
donc l’équivalent fiscal d’une ou deux guerres mondiales, et le trouve dans un
impôt progressif sur le capital au niveau mondial. Cela permettrait de financer
les services de l’Etat assistantiel. Cette louable fin est « à chacun
selon ses besoins » (vrais), la moitié du communisme selon la définition
de Blanqui endossée par Marx (l’autre moitié, « de chacun selon ses
capacités » n’est pas réalisée par la taxation de l’épargne et le marché
du travail). Pourtant, le mélange final de violence fiscale, des mécanismes de
marché habituels et d’administration peut sembler décevant ou risqué sur le
plan de la qualité de la société. T. P. approuve la recherche d’autres modes de
gestion publique mais ne s’y lance pas. Son sujet est le capital, sa
distribution et les effets de celle-ci, pas le capitalisme, c’est-à-dire les
mécanismes.
La
puissance indignatoire de l’autre Das
Kapital, celui du XIXè siècle, ne vient pas des inégalités en elles-mêmes.
Elle tient un peu à la misère et à l’illiberté ouvrières, mais surtout à sa
théorie de l’exploitation. Dans la division du travail décrite par Auguste
Deteuf dans ses « Mémoires d’O. Barenton, confiseur », « le
capital est du travail accumulé, mais comme on ne peut pas tout faire, certains
travaillent et d’autres accumulent ». Le capital est du profit accumulé,
et le profit vu par Marx est la forme monétaire de la « plus-value »,
excès de la valeur du produit mesurée en heures de travail moyen sur le temps
de travail actuel nécessaire à cette production. Le profit et le capital sont
« donc » du travail volé si « chacun a droit au produit de son
travail », comme disaient tant les « socialistes ricardiens »
que les libéraux. Cette appropriation du capital est donc du vol de temps de
vie, de liberté, soit un type d’esclavage hypocrite. Cette puissante théorie
morale n’est pas reprise, appliquée ou mise à jour. La raison en est sans doute
la « théorie de la valeur travail » sur laquelle elle se fonde.
Pourtant, la valeur du produit est égale à la somme des coûts de ses trois
« facteurs de production » classiques, le travail, le capital et les
« ressources naturelles non-humaines » (que T. P. inclut dans le
capital). Ce « capital » productif est par définition les
« moyens produits de production ». Sa valeur se décompose elle-même
en coûts des facteurs de sa production, dont du capital de second ordre que
l’on peut traiter de la même manière, et ainsi de suite. In fine, toute la
valeur du produit se ramène à celle des deux « facteurs primaires de production »,
le travail et les « ressources naturelles » (non humaines). En
introduisant les ordres de grandeur, il ressort que ces dernières ne font que
quelques pour cent de la valeur totale de ces facteurs. C’est-à-dire que la
théorie de la valeur-travail est empiriquement presque vraie. Une autre
difficulté pourrait être de définir l’exploitation par le capital purement
financier si important de nos, jours par exemple pour le
profit spéculatif de sauter dans et hors de une bulle spéculative aux bons
moments. La réponse peut être que la manière n’importe pas en fin de compte dès
lors que le profit et son pouvoir d’achat sont réalisés. Mais Marx tenait beaucoup
à ce que la plus-value soit extorquée dans le « rapport de
production » direct, et la haute finance aux mains propres voile l’image
parlante de l’usine classique (Zola maintenant ?).
Quand
l’ouvrage de T. P. relie l’inégalité à des faits qui nous concernent plus
directement, il la relie plus au type de société qu’à l’éthique de la justice
distributive. Quand il note celle-ci, il se réfère à John Rawls et au revenu
prioritaire des plus pauvres. Mais hausser les revenus, ou les bien-êtres ou
bonheurs, les plus faibles n’est pas d’abord et spécifiquement rawlsien. Ce qui
l’est est plus riche, complexe, subtil et indéterminé. C’est le choix d’un
« système de coopération » (mode opératoire de la production et de la
distribution du revenu, qui n’est pas nécessairement seulement un taux de
salaire égal à la productivité marginale) « stable » (c’est-à-dire
que les agents qui y participent préfèrent ce système – qui aussi les forme – à
tous les autres possibles) qui respecte des libertés de base et fournisse le
plus possible à ceux qui en ont le moins d’un certain nombre de « biens
premiers » : revenu et richesse, pouvoirs et positions de
responsabilité, et les bases du respect de soi. Mais selon l’accent que l’on
met sur les divers « biens premiers » et libertés, et selon les
hypothèses sur le fonctionnement économique et social possible de la société,
cela peut donner plusieurs solutions. Par exemple, avec les revenus, la liberté
d’échange et une croissance équilibrée égale pour tous les revenus, on peut obtenir
le libéralisme complet peut-être amendé par quelques transferts (c’est un
« rawlsisme de droite »). Par contre, la non-domination hiérarchique
et l’égalité de statut peut conduire à des solutions plus « social-démocrates »
avec d’autres distributions primaires.
La
recherche et la fondation d’autres façons de faire économiques sont par contre
l’objet du travail rassemblé par Bruni et Zamagni. Les réformistes et
révolutionnaires critiques des effets distributifs et relationnels des échanges
marchands doivent proposer par quoi les remplacer. Mais le système des prix et
les échanges entre agents ne cherchant que leur intérêt ont des vertus bien
étudiées, partielles mais nécessaires, d’efficacité de l’allocation des
ressources disponibles aux besoins exprimés, qui risquent de disparaître dans
la substitution. Il faut donc trouver des mécanismes économiques qui corrigent
ou atténuent les mauvais effets en gardant suffisamment les bons. Cet ouvrage
encyclopédique vise à fournir les bases d’une telle recherche, avec des
chapitres étudiant l’altruisme, le don, la gratuité, la philanthropie, la
réciprocité, le mutualisme, les coopératives, l’ « économie de la communion »,
la fraternité, l’échange équitable, les « préférences sociales », l’
« éthique des affaires », la microfinance, l’économie du respect, la
confiance, les subsidiarités horizontale et verticale, le « bien
commun », les externalités, la responsabilité sociale de l’entreprise,
l’éthique de la vertu et l’économie, les organisations fondées sur des valeurs,
le troisième secteur, l’économie sociale, et tout un ensemble que Bruni et
Zamagni appellent l’ « économie civile ». Prenons l’exemple de la
réciprocité, fondation et extension de la relation de don-contre-don. C’est
l’un des sujets les plus classiques de la science sociale. Dans La grande transformation, Karl Polanyi
oppose entre eux trois modes de transferts de biens économiques : la
réciprocité et ses dons interdépendants d’une part, et, de l’autre, l’échange
marchand égoïste et la « redistribution » par force des biens par un
pouvoir politique central. Si l’on voit des vices aux deux derniers, on est
tenté de favoriser la réciprocité. Toutefois, ce terme est aussi utilisé de
façon plus large, mettant l’accent sur la non-violence explicite, le
volontariat et le fait que qui cède reçoit aussi, et incluant donc en outre
l’échange marchand. Le système de marché devient alors une forme de
réciprocité, qui peut garder la vertu informationnelle d’efficacité du mécanisme
des prix, tout en n’oubliant pas que si l’on rend des services aux autres, on
en reçoit aussi de l’ensemble de ceux-ci.
Pour
associer de la solidarité au marché, les sociétés du XXè siècle ont suivi deux
modèles idéaux. Dans le libéralisme des pays anglo-saxons, un marché très libre
est complété par de la philanthropie. En Europe continentale, les institutions
étatiques interviennent assez fortement dans les échanges et la production,
leur assistance publique redistribue et les coopératives et mutuelles tiennent
souvent une place notable (qu’il y ait en France un « ministère de
l’économie sociale et de la solidarité » montre l’importance sinon du
fait, du moins de l’espoir). Au début du XXIè siècle, ces deux modèles sont en
crise : crise économique du libéralisme avec son économie financiarisée et
mondialisée, et crises du financement des services sociaux et des interventions
étatiques ailleurs. Il faut donc reconstruire l’association
marché-redistribution selon les meilleures possibilités. Les diverses formes et
propriétés de celles-ci constituent l’objet de ce « Handbook » (encyclopédie spécialisée).
Bruni
et Zamagni mettent l’accent sur les vertus réciprocitaires du marché et
sociales et d’innovation de l’entreprenariat pour construire l’ « économie
civile ». Ils proposent qu’après avoir pris les leçons des Lumières en
mettant l’accent sur la liberté par le libre marché et la philanthropie, et sur
l’égalité par la redistribution publique, il faudrait faire maintenant plus
grand cas de la fraternité.
Les
théories des marchés supposent que les participants ne sont guidés que par leur
intérêt personnel. L’économiste et clergyman britannique Wicksteed a noté que
cela n’implique pas qu’ils soient égoïstes mais seulement qu’ils ne soient pas
altruistes envers les personnes avec qui ils échangent, ce qu’il appelle le
« non-tuisme ». Ils peuvent par exemple rechercher du profit pour
donner à leur famille ou par philanthropie. En fait, il peut aussi y avoir en
outre entre les participants des « sentiments sociaux » qui
favorisent tant le fonctionnement et l’efficacité du marché que le bonheur des
transacteurs qui les ressentent ou en sont l’objet, tels que le plaisir de
l’interaction, celui de voir la satisfaction de l’autre échangeur et d’y contribuer,
le sens de l’équité, le désir de céder ce que l’on cède étant donné que l’on
reçoit aussi (réciprocité), la confiance et la confiance réciproque, la
sincérité, le respect des engagements, le respect de l’autre et de ses droits,
la vision de l’échange plus comme une coopération où tous gagnent que comme un
combat, etc.
Le
développement de ces relations requiert toutefois celui des traits
psychologiques correspondants, qui entrent presque tous dans le très vaste
ensemble de sentiments pro-sociaux que Matthieu Ricard range sous le nom
général d’ « altruisme ». Son ouvrage est une somme sur les effets du
manque d’ « altruisme » et sur les espoirs qu’on peut nourrir d’y
remédier. Au contraire des pessimismes sur la nature humaine (« l’homme
est un loup pour l’homme »), M. R. montre qu’il y a d’innombrables actes « altruistes »
de toutes sortes et importances, et que chacun de nous en effectue sans cesse.
Ce « plaidoyer pour l’altruisme » préconise d’être altruiste. Mais
que faire d’une telle injonction ? Pouvons-nous choisir nos
sentiments ? Avons-nous ce pouvoir ? Des religions plus familières à
l’Ouest le pensent aussi (« aime ton prochain », suivi de l’ambigu
« comme toi-même »). La différence est que M. R., croyant peu à la
grâce, dit comment faire, il donne la recette : par la
« méditation ». En règle générale, la « méditation »
bouddhique comprend le moyen de changer ses « préférences » (dans le
vocabulaire des économistes). La « méditation sur la compassion » est
la solution. Malheureusement, M. R. ne donne pas beaucoup plus de détails que
concentrer sa pensée sur quelqu’un qu’on aime et l’y maintenir. Mais c’est sans
doute qu’on ne peut pas en dire beaucoup plus par l’intermédiaire d’un écrit
destiné à tous, donc autrement que par des conseils directs, adaptés à chaque
personne, dans la pratique effective de tels « exercices
spirituels ».
Se
soucier des besoins et du
bien-être des autres peut conduire au don, et celui-ci peut réaliser ces
transferts dans la liberté en évitant la violence de la fiscalité. Mais l’impôt
et le don pour transférer entre deux personnes sont des moyens substituts de
l’allocation entre elles. La taxation tend donc à diminuer d’autant le don
altruiste standard, peut-être jusqu’à l’exclure. Tant qu’une personne continue
à donner, la taxer ne se justifie pas et on ne peut pas déterminer l’impôt
optimal. Les sollicitations d’aide s’adressent souvent, surtout en Europe, à un
contribuable qui pense « je viens de payer mes impôts pour cela »,
tandis que l’épouse, dans la « bonne société », répond classiquement
« j’ai mes pauvres ». Mais le don peut aussi résulter d’autres
motivations soit morales (sens du devoir) soit immorales (effet de
démonstration, vanité) très étudiées récemment.
Finalement,
le brouillard de pessimisme qui enveloppe le paysage économique et social n’est
peut-être pas si opaque. On progresse au moins en connaissance et en
compréhension. Les travaux cités et quelques autres fournissent des éclairages
essentiels qui font mieux voir le fond des problèmes et peuvent permettre de
mieux gérer la gouvernance des entités économiques et sociales et de soi-même.
Surprise ou signe des temps, deux de ces ouvrages se relient à une religion ou,
du moins, une spiritualité. Ce tournant peu prévu peut indiquer à quel champ de
recherche, d’action et de combat, pour le lien social et la liberté ultime de
l’auto-formation, est arrivé le progrès humain au XXIè siècle. Comme pour le
marché, cependant, il faut séparer le bon grain de l’ivraie, le nécessaire du
périlleux. Pour l’un, l’efficacité de l’égocentrisme (aussi sujet du non-soi
bouddhiste). Pour l’autre, l’opium social des moyens de l’esprit.
Références
Bruni, L. et
Zamagni, S., 2013, Handbook on the
Economics of Reciprocity and Social Enterprise, Edward Elgar, Cheltenham.
Ricard,
M., 2013, Plaidoyer pour l’altruisme, la
force de la bienveillance, éd. Nicole Lattès, Paris.
Piketty,
T., 2013, Le Capital au XXIè siècle,
éd. du Seuil, Paris.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire