jeudi 11 juin 2020

humanisme cosmique


Le 9 octobre 1961, Daisaku Ikeda, dont le nom de plume est Shin'ichi Yamamoto, dialogue avec des industriels à Cologne :

“Vous venez d'utiliser l'expression “philosophie humaniste du bouddhisme". Or l'Europe a déjà une tradition humaniste, en quoi celle du bouddhisme est-elle différente?
- C'est une question très judicieuse, répondit Shin'ichi. Ces deux formes d'humanisme sont semblables en ce qui concerne le respect et la valeur qu'elles accordent toutes deux à l'être humain. Une différence, cependant, réside dans le fait que le bouddhisme ne considère pas les êtres humains comme maîtres de la Terre, destinés à conquérir et assujettir la nature et toute forme de vie. Au contraire, le bouddhisme voit l'univers entier comme une seule entité de vie, dont les êtres humains ne constituent qu'une petite partie - un microcosme à l'intérieur du macrocosme, pour ainsi dire. Le bouddhisme perçoit les êtres humains ainsi que toute autre vie, de même que l'environnement et les phénomènes qui les entourent, comme un tissu de relations harmonieuses et interdépendantes servant toutes à protéger et à entretenir la vie.
Qu'arriverait-il si les êtres humains, à cause de leur arrogance à se croire les maîtres de la planète, utilisaient leurs vastes connaissances technologiques pour raser toutes nos forêts, provoquer la disparition de toutes les espèces animales, polluer les océans et détruire notre environnement naturel ? Il leur serait alors très difficile d'assurer leur existence.
L'une des particularités de l'humanisme bouddhiste est donc qu'il ne conçoit pas les relations en deux pôles adverses et antinomiques, tels que "nous" et " eux", ou "êtres humains" contre "environnement" - c'est-à-dire, nous contre notre milieu, y compris les animaux et les plantes. L'humanisme bouddhiste envisage tous les phénomènes comme étant étroitement liés et cherche à construire un bonheur humain basé sur l'harmonisation de ces relations.
A cet égard, on pourrait peut-être décrire le bouddhisme comme une sorte d’humanisme cosmique.”

Ikeda D.,2005. La Nouvelle révolution humaine,ACEP,5,16-17

dimanche 4 février 2018

"Soyez des îles pour vous même": petit manuel de sûre vie à l'ère de l'effondrement.

C'est en 2017 que j'ai découvert  Pablo Servigne à la radio et son engouement pour la collapsologie, ou science de l'effondrement. Hier, un ami m'a confié une clef usb avec une dizaine de vidéos sur le sujet. Les points les plus intéressants de l'approche collapsologique sont ceux de la croyance et de la solidarité, et cela m'a aussitôt stimulé à répondre à Pablo Servigne pour lui proposer des pistes d'action à partir de mon expérience bouddhiste.

« Soyez des îles pour vous-mêmes, des refuges pour vous-mêmes, et ne cherchez aucun refuge extérieur ; prenez le Dharma pour île, le Dharma pour refuge. N’en cherchez aucun autre», c'est avec ces mots que le bouddha Shakyamuni encourageait ses disciples à la fin de sa vie.

La loi dont parle le bouddha Shakyamuni est à la fois la Loi de la production conditionnée, qui défini l'interdépendance de toute chose, et la non-substantialité, que l'on appelle aussi vacuité.

Dans l'enseignement du Sûtra du lotus, le chapitre Maître de la Loi propose un manuel pratique en trois points :
- la compassion étendue à tous les êtres afin de les libérer de leurs souffrances,
- le courage nécessaire à surmonter les difficultés et l'endurance qui permet de se satisfaire de peu de désirs et de peu de gains,
- la sagesse  qui alimente la conscience de l'interdépendance pour œuvrer à la coexistence symbiotique.
Ces trois points sont en définitive les qualités spirituelles que nous pouvons acquérir en nous entrainant dans la voie du bodhisattva. 

Ces qualités sont à la fois des moyens pour surmonter nous même les épreuves de l'effondrement, mais aussi des remèdes aux troubles qui, inhérents à la vie, sont à la racine de cet effondrement. Le bouddhisme identifie ici les trois poisons de l'avidité, de la colère et de l'ignorance de l'interdépendance des phénomènes. Ce travail de transformation des trois poisons prend la forme d'une révolution intérieure, une transformation du cœur, afin de faire naître les qualités de sagesse, de courage et de compassion.

Le nom donné par les bouddhistes au plus profond de ces troubles est l'obscurité fondamentale, qui stigmatise à la fois l'ignorance de l'interdépendance et la puissante soif de pouvoir sur la vie. Dans la déclaration pour l'abolition des armes nucléaires qu'il prononça devant une assemblée de 50 000 jeunes le 8 septembre 1957, Josei Toda, fondateur du mouvement bouddhiste de la Soka Gakkai, identifia l'arme nucléaire comme le mal absolu, la manifestation la plus extrême de cette obscurité fondamentale, et exhorta ses jeunes disciples à s'attaquer de toutes leurs forces à ce mal. 

Voici ce que dit son disciple Daisaku Ikeda (Galtung & Ikeda, 1995) à ce sujet : " Nous devons comprendre que le mal à l’intérieur de nous est primordial, et que le mal à l’extérieur de nous est secondaire du point de vue de sa signification. La chose la plus importante à apprendre de ces expériences du vingtième siècle est celle-ci : que le problème soit racial, comme dans le cas du fascisme, ou lié aux classes, comme dans le cas du communisme, tenter de définir les causes primordiales du mal à partir de facteurs extérieurs conduit à la tragédie et aux massacres. Transcender le mal intérieur est à la fois notre devoir le plus urgent pour le vingt et unième siècle, et l’objectif essentiel de tout mouvement réformateur. C’est à quoi nous membres de la Soka Gakkai internationale nous nous référons, et que nommons la ‘révolution humaine’."

En 1972, la parution du premier ouvrage de collapsologie, le rapport Meadows sur les limites de la croissances, fut réalisée à l'instigation du Club de Rome, alors présidé par Aurelio Peccei.


L'historien Arnold Toynbee qui avait déjà mené un dialogue avec Ikeda, l'encouragea à rencontrer Peccei (Díez-Hochleitner & Ikeda, 2008) : "Lui et moi nous discutâmes des révolutions dans la nature humaine et de la révolution humaine, dont il était lui-même un véritable exemple. Bien sûr, la nature de la révolution humaine dépend de la personne. Au sens large, c’est la trajectoire le long de laquelle les gens deviennent meilleurs et créent une plus grande valeur dans leur propre existence, ou se mettent en mouvement dans cette direction. À la lumière de cette définition de la révolution humaine, le Dr Peccei est, à mon avis, un champion de la réforme intérieure et de la création de valeurs. [...] Se référant à l’histoire humaine, il dit que l’humanité avait connu trois révolutions : l’industrielle, la scientifique et la technologique, toutes trois provoquées par des forces externes. Mais il mettait en doute tant leurs buts que leur mise en œuvre, soutenant que notre échec à développer la sagesse potentielle que ces révolutions pouvaient apporter a abouti à une ignorance surprenante. Pendant que la technologie progressait, la culture, elle, est restée immobile, fossilisée. Il insistait sur le fait qu’une renaissance spirituelle de l’humanité était nécessaire pour combler ce manque. Il voulait dire, par là, une révolution de l’humanité elle-même".

(à suivre)

biblio

Díez-Hochleitner, R., & Ikeda, D. (2008). A dialogue between East and West: looking to a human revolution. IB Tauris.
 Galtung, J., & Ikeda, D. (1995). Choose Peace: A Dialogue, ed. Richard Gage.




samedi 14 octobre 2017

exposition Sutras Centre culturel bouddhique Rennes 22 au 29 octobre 2017

EXPOSITION au Centre Culturel Bouddhique de Rennes
Sûtras bouddhiques


SÛTRAS BOUDDHIQUES 
UN HÉRITAGE SPIRITUEL UNIVERSEL 
du 22 octobre au 29 octobre 2017 

Le Centre Culturel Bouddhique de Rennes (CCBR), l’Association Culturelle Soka de France (ACSF) et l’Institut de philosophie orientale de Tokyo (IOP) présentent, dans les locaux du Centre Culturel Bouddhique de Rennes, une exposition qui rassemble : 

  • des manuscrits bouddhiques découverts sur la route de la Soie, reproductions de quelques pièces uniques conservées par l’Institut des manuscrits orientaux de l’Académie des sciences de Russie ;

  • des répliques de fresques des grottes deMogao, à Dunhuang (Chine) représentant de célèbres paraboles bouddhiques ;

  • ainsi que les grandes gures de l’histoire de la diffusion du bouddhisme et des sûtras du Mahâyâna de l’Inde au Japon.

    Au cours de cette histoire, le Sûtra du Lotus, le Sûtra du Cœur et le Sûtra du Diamant gurent parmi les textes qui se sont le plus largement transmis dans le monde. Ils sont ainsi les seuls sûtras du Mahâyâna connus par leur titre en langue occidentale.

    Organisateurs : Centre Culturel Bouddhique de Rennes (CCBR) et Association Culturelle Soka de France (ACSF).

    Commissaire de l’exposition : Institut de philosophie orientale (Tokyo).

    Partenaires : Institut des manuscrits orientaux de l’Académie des sciences
    de Russie
    (Saint-Pétersbourg), Académie internationale de la culture indienne (New Delhi), Institut d’études bouddhiques (IEB), Académie de Dunhuang (Chine).

    Contact : 06 11 03 63 95 | Mail : expo.soutras.2017@gmail.com 

    Rencontre interreligieuse le jeudi 26 octobre 18h30 (sur invitation).

 


















mercredi 9 décembre 2015

(r)évolution intérieure / métanoïa



Changer de croyances pour changer de monde : Conférence TEDx de Marc De La Menardiere.
Diplômé d’une école de commerce et d’un troisième cycle universitaire, Marc débute sa carrière à New York comme business developer chez Danone. Suite à un accident et le visionnage intensif de documentaires anxiogènes sur l’état de la planète, il décide de faire une pause dans sa vie professionnelle pour se lancer avec son ami d’enfance Nathanael Coste dans un road movie sur le thème du changement. Depuis son retour en France Marc partage son quotidien entre la finalisation du film, le monde associatif et l’organisation d’événements sur l’innovation sociétale.
https://vimeo.com/123911188

dimanche 6 décembre 2015

l’économie en question : c'est paru à l'harmattan, avec une préface de Gaël Giraud

dans la collection "spiritualités en action", vient de paraître la restitution des actes des rencontres interreligieuses autour de "L’économie en question : regards et apports des spiritualités et des religions"


Chapitre premier
Éthiques individuelles et morale collective : des expériences au projet
Foudil Benabadji, Bernard Billaudot, Lucile Charzat, Christian Delorme, Georges Fabre, Albert Fachler, Robert Giroud, Jean-Paul Rempp, Julien Rousset. 


Chapitre II
Le vécu des êtres humains face aux difficultés économiques. Quel soutien et quelle inspiration proposent les religions ?
Christian Barbéry, Rémi Caucanas, Mohammed El Mahdi Krabch, Philippe Langevin, Adrienne Philippe 


Chapitre III
Quel système de valeurs humaines pour refonder l'économie ?
Tarik Bengarai, Marion Genaivre, Paula Kasparian, Serge-Christophe Kolm, Edmond Lisle, Cécile Renouard, Claude Riveline, Thibaud Tekla, Laurent Vincenti. 


Chapitre IV
L’économie du bonheur
Michel Boucher et Bertrand Decoopman, Jean-Claude Chauvigné, Étienne Hayem, Omero Marongiu-Perria.


Quatrième de couverture
La vie économique est aujourd’hui bouleversée et altère même le lien social. Où puiser l’énergie de résister à ces dévastations ? Comment régénérer les liens humains dans la société ? Quelles ressources mobiliser pour « changer les règles du jeu » ?
Les acteurs des colloques ici retranscrits relèvent le défi d’affronter ces questions. Juifs, bouddhistes, chrétiens, musulmans, athées, libres penseurs, ils osent entrer en dialogue parce qu’ils croient en la possibilité d’un avenir commun. Ils échangent des paroles singulières, dont aucune ne prétend prendre la place de l’autre. Ils nous invitent à penser, et même à croire que notre monde peut changer, par la possible coexistence de l’économie réelle et de l’éthique mise en action. Puissent-ils être fontaine d’eau fraîche dans un jardin trop sec et éveiller le désir de lutter contre le pessimisme et pour le vivre-ensemble !
Les colloques interreligieux
Ce nouveau volume de la collection « Spiritualités en action » présente les réflexions et expériences de près de trente intervenants dans quatre colloques interreligieux organisés par le mouvement Soka, en 2013 et 2014, sur le thème : « L’économie en question : regards et apports des spiritualités et des religions ».
Une grande question est explorée dans chacun des lieux :
  • À Sainte-Foy-lès-Lyon : Éthiques individuelles et morale collective : des expériences au projet. 
  • À Paris : Quel système de valeurs humaines pour refonder l’économie ?  
  • À Trets : Le vécu des êtres humains face aux difficultés économiques. Quel soutien et quelle inspiration proposent les religions ?  
  • À Nantes : L’économie du bonheur. 

vendredi 10 octobre 2014

amis et ennemis du dialogue

Le Dialogue à la portée de tous...(ou presque)


Selon Dennis Gira, qui est venu le 4 octobre 2014 animer un atelier à Tibhirine, l'association nantaise pour le Dialogue Interreligieux, voici les cinq ennemis et cinq amis du dialogue dont il nous a fait part :

•les ennemis
-La peur "qui bloque le dialogue par manque de confiance en soi"
-Le silence , car "se taire est trahir le dialogue"
-Le savoir "qui manque d'humilité"
-L’orgueil "de croire que nous détenons la vérité, comme une forteresse où nous voulons amener les autres"
-Le mépris : "ah, c'est comme chez nous, c'est à dire réduire l'autre à ce que nous sommes"

•les cinq amis du dialogue
-Le respect
 réciproque "qui montre à celui qui refuse le dialogue qu'il a quelque chose à nous dire"
-L’amitié
 "qui crée la confiance"
-L’humilité
 "ou la vérité de reconnaître à la fois nos points forts et nos points faibles"
-La patience

-L’écoute active "qui alimente l'autre avec des questions afin de lui permettre de préciser ce qu'il dit"


pour aller plus loin, un livre de Dennis Gira « Le Dialogue à la portée de tous...(ou presque) »

mercredi 26 mars 2014

être approuvé par les autres

 Adam Smith 
(gravure d'après un original de James Tassie, 1787)

"Il faut lire le chapitre étonnant que Smith consacre au désir d'être approuvé par les autres, et au rapport que ce désir entretient avec celui d'être digne d'une telle approbation — c'est-à-dire de pouvoir s'approuver soi-même. Il voudrait bien montrer que, quoique celui-ci s'enracine dans celui-là, il conquiert une certaine autonomie, une indépendance relative, et que la conscience s'élève au-dessus du jugement des spectateurs ordinaires. Mais c'est en vain. Et c'est finalement la richesse économique qui surgit comme l'objet sur lequel tous les désirs convergent car, attirant sur nous le regard d'autrui, autrui qui est exactement dans la même position que nous par rapport à elle, elle est le signe de cette qualité d'être que nous voulons tous posséder sans jamais être certains que nous la possédons. Vouloir devenir riche pour s'assurer de l'être au travers de l'avoir : il n'y a vraiment chez Smith aucune idéalisation de l'économie."

vendredi 21 mars 2014

force intérieure

Ivan Illich © INA

Nous devons comprendre que tous le mobilier et autres objets que nous continuons à collecter durant nos existences ne nous donnerons aucune force intérieure. Elle sont les béquilles de notre handicap. Plus nous possédons de telles sources de confort, plus s'accroît notre dépendance à leur égard et plus notre vie se restreint. Au contraire, la sorte de mobilier que j'ai trouvé dans la hutte de Gandhi est d'une autre catégorie, et il y a très peu de raison d'en devenir dépendant. Une maison remplie avec toutes sortes de facilités montre que nous somme devenus faibles.
Plus nous perdons le pouvoir de vivre, plus nous dépendons des biens que nous acquérons.
 
Ivan Illich, “The Message of Bhapu’s Hut”, In the Mirror of the Past: Lectures and Addresses 1978-1990, New York, Marion Boyars, 1992 (traduction libre)
 
pour approfondir ce thème, lien vers un article de Jean-Perre Dupuy sur la contreproductivité> http://nagasenamenandre.blogspot.fr/p/la-contreproductivite.html

mardi 18 février 2014

une société décente ou conviviale ne produit pas d’exclus



escargot de Quimper
l'escargot, selon Ivan Illich, en faisant décroître la taille des spires de sa coquille, la rend à la fois supportable et habitable 

"Un élément important pour sortir des apories du dépassement de la modernité est la convivialité. De même qu’elle s’attaque au recyclage des déchets matériels, la décroissance se doit de s’intéresser à la réhabilitation des déchus. Si le meilleur déchet est celui qui n’est pas produit, le meilleur déchu est celui que la société n’engendre pas. Une société décente ou conviviale ne produit pas d’exclus.
 
La convivialité dont Ivan Illich emprunte le terme au grand gastronome français du XVIIIème siècle, Brillat Savarin (La physiologie du goût. Méditations de gastronomie transcendantale), vise précisément à retisser le lien social détricoté par "l'horreur économique" (Rimbaud). La convivialité réintroduit l'esprit du don dans le commerce social à côté de la loi de la jungle et renoue ainsi avec la philia (l'amitié) aristotélicienne" 

Latouche S. 2010. La voie de la décroissance. Pour une société d’abondance frugale. Vers une société de convivialité avancée, symposium franco-japonais, MFJ, Tokyo. 
http://nagasenamenandre.blogspot.fr/p/blog-page_2.html 

une éthique de la convivialité



"Le philosophe de l'économie Serge Latouche a appelé à une société plus humaine (une société décente), qui aide à la restauration la dignité de ceux qui ont été abandonnés dans les coupe-gorges de la compétition économique. Dans ce but, il souligne l'importance d'une éthique de la convivialité, le simple fait de retirer du plaisir dans une mutuelle compagnie.

Les enseignements bouddhistes contiennent une phrase qui résonne avec ce concept : " la joie signifie une réjouissance partagée entre soi et les autres ". La vision que nous devons mettre en place au cœur de la société contemporaine est celle au sein de laquelle, à travers le partage de la joie, nous créons un monde davantage  reconnu pour la chaude lumière de la dignité que pour le scintillement froid de l'aisance, un monde d'empathie marqué par le refus résolu d'abandonner ceux qui souffrent le plus profondément."

Ikeda D. 2014. Une création de valeur porteuse de changement à l'échelle mondiale : bâtir des sociétés résilientes et durables. Proposition pour la paix (traduction provisoire)

mardi 21 janvier 2014

égalité, altruisme et réciprocité



Pour qui se soucie de la qualité de la société, le cru de publications de l’automne 2013 est exceptionnel. Le deuxième tirage du livre de Thomas Piketty « Le capital au XXIè siècle » était épuisé avant d’être imprimé. Le succès très mérité de cet admirable travail est sans doute aussi celui d’un autre « pavé » de 900 pages répétitives (la répétition dans ce cas aide la lecture), « Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance » du moine bouddhiste français d’obédience tibétaine Matthieu Ricard, ... Et ce succès devrait logiquement être aussi celui du « Handbook on the Economics of Reciprocity and Social Enterprise » d’une cinquantaine de chercheurs rassemblés par Luigino Bruni et Stefano Zamagni, deux économistes italiens ayant leurs entrées au Vatican (et l’oreille de « Sa Sainteté », inspirateurs de l’encyclique Caritas in veritate). Ces trois ouvrages paraissant simultanément se complètent pour fournir une vue percutante de quelques vices cruciaux de notre système économique et des moyens possibles d’y remédier : les effets des fortes inégalités des revenus marchands peuvent être corrigés, plutôt que par la pure violence de l’impôt, par d’autres mécanismes et organisations économiques qui conservent les vertus d’efficacité des marchés tout en évitant leurs effets relationnels et distributifs délétères, mais cela requiert le développement de motivations moins égocentrées. …/…



 [L]e brouillard de pessimisme qui enveloppe le paysage économique et social n’est peut-être pas si opaque. On progresse au moins en connaissance et en compréhension. Les travaux cités et quelques autres fournissent des éclairages essentiels qui font mieux voir le fond des problèmes et peuvent permettre de mieux gérer la gouvernance des entités économiques et sociales et de soi-même. Surprise ou signe des temps, deux de ces ouvrages se relient à une religion ou, du moins, une spiritualité. Ce tournant peu prévu peut indiquer à quel champ de recherche, d’action et de combat, pour le lien social et la liberté ultime de l’auto-formation, est arrivé le progrès humain au XXIè siècle. Comme pour le marché, cependant, il faut séparer le bon grain de l’ivraie, le nécessaire du périlleux. Pour l’un, l’efficacité de l’égocentrisme (aussi sujet du non-soi bouddhiste). Pour l’autre, l’opium social des moyens de l’esprit.
 
Serge KOLM, 16/11/2013, extraits de l'article publié in extenso à : http://nagasenamenandre.blogspot.fr/p/blog-page_21.html

dimanche 22 décembre 2013

trois questions

dernière photo de Léon Tolstoï, 1910, archives Albertini, modifiée

"Un roi pensa, une fois, que s’il savait toujours le moment où il faut commencer chaque œuvre, s’il savait avec quelles gens il faut travailler, avec qui il ne le faut pas, et, principalement, s’il savait toujours quelle affaire est la plus importante, alors il n’aurait jamais d’ennuis. Après avoir réfléchi, le roi fit savoir dans tout son royaume qu’il donnerait une grande récompense à celui qui lui apprendrait comment savoir le temps opportun pour chaque affaire, quelles sont les gens les plus nécessaires et comment ne pas se tromper dans le choix de l’œuvre la plus importante de toutes.
.../...
Ainsi, souviens-toi que le temps le plus opportun est le seul, immédiat, et il est le plus important parce que c’est seulement à ce moment que nous sommes les maîtres de nous-mêmes ; et l’homme le plus nécessaire est celui avec qui l’on se rencontre à ce moment, et l’œuvre la plus importante, c’est de lui faire du bien."

le conte dans son intégralité à   http://nagasenamenandre.blogspot.fr/p/trois-questions.html

lundi 18 novembre 2013

l'économie de l'amour ou le gateau d'Hazel Henderson

Système productif total d'une société industrielle

Hazel Henderson, futuriste américaine, a proposé le diagramme ci-dessus afin d'illustrer une vision plus réaliste de l'économie qui cependant n'est pas prise en compte dans le calcul du Produit National Brut des états : y figurent l'économie de l'amour et les bénéfices que nous offre la nature, qui ne sont pas monétarisés.

Elle dit : "Comme ma mère, toutes ces femmes font tourner le monde et se dévouent pour fournir les services qui maintiennent la communauté unie. C'est grâce à tout ce qu'elles font que les hommes peuvent rivaliser entre eux sur le terrain économique. Sans elles, tout s'écroulerait.
Or, ces femmes qui travaillent avec tant d'amour ne figurent pas dans les données économiques. Leur travail est considéré comme sans valeur. Bien sûr, il n'est pas rémunéré parce qu'il est accompli sans désir de rétribution. Et c'est ce genre de réflexion qui a engendré le concept d'une économie de l'amour".

Hazel Henderson & Daisaku Ikeda, Pour une citoyenneté planétaire, L’Harmattan, 2006

rivaliser d'humanité


En proposant le concept de compétition ou concurrence humanitaire, Daisaku Ikeda souhaite contribuer à une refondation de notre civilisation. Les principes humanistes de justice sociale y sont liés à l'utilité de la concurrence comme source d'énergie et de vitalité, en une sorte de synergie. Ainsi "la concurrence dirigée à l’intérieur d’un cadre approprié de règles et de conventions catalyse les énergies des individus et revitalise la société."
On peut y voir une analogie avec la pratique du Potlatch des peuples de la côte nord-ouest américaine, où le prestige est issu de la capacité à donner aux autres, compétition coopérative pour le bonheur mutuel. Car, comme le dit Makiguchi, qui proposa en 1903 ce concept de concurrence humanitaire, "il importe avant tout d’éviter les actions égoïstes, en s’efforçant de protéger et d’améliorer non seulement notre propre vie mais également celle des autres. Il faut s’efforcer d’agir pour le bien d’autrui, car si autrui reçoit des bienfaits, alors nous en recevons aussi."

Hazel Henderson & Ikeda Daisaku, Pour une citoyenneté planétaire, L’Harmattan, 2006

Ikeda Daisaku, 2009. Vers une concurrence humanitaire : un nouveau courant de l’histoire. Propositions pour la paix du 26 janvier 2009, à l’occasion du 34e anniversaire de la création de la Soka Gakkai Internationale (SGI).




mardi 22 octobre 2013

Et qui est mon prochain ?

Le Bon Samaritain (1880)
Morot (Nancy, 1850 - Dinard, 1913)
Crédits : Petit Palais / Roger-Viollet - Cliché n° 26981-5

"Un docteur de la loi se leva,  et dit à Jésus, pour l'éprouver : Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? Jésus lui dit : Qu'est-il écrit dans la loi ? Qu'y lis-tu ?Il répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée; et ton prochain comme toi-même. Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela, et tu vivras. Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : Et qui est mon prochain ? Jésus reprit la parole, et dit : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu des brigands, qui le dépouillèrent, le chargèrent de coups, et s'en allèrent, le laissant à demi mort. Un prêtre, qui par hasard descendait par le même chemin, ayant vu cet homme, passa outre. Un Lévite, qui arriva aussi dans ce lieu, l'ayant vu, passa outre. Mais un Samaritain, qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu'il le vit. Il s'approcha, et banda ses plaies, en y versant de l'huile et du vin ; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie, et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers, les donna à l'hôte, et dit : Aie soin de lui, et ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour. Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? C'est celui qui a exercé la miséricorde envers lui, répondit le docteur de la loi. Et Jésus lui dit : Va, et toi, fais de même.”
Évangile de Luc 10, 25-37

mercredi 28 août 2013

prendre concience avant d'agir


L’économie aujourd’hui, ne sert pas l’homme, c’est l’homme qui sert l’économie. La spéculation boursière qui ne tient pas compte de l’homme en est un exemple : l’accumulation des dividendes oublie le prix humain des licenciements alors que le capital financier s’accroît.  Moralement, nous rappelons un principe important en Islam : La personne en Islam doit être une fin, non un moyen que d’autre peuvent asservir : nous citons ce Hadit du prophète (sps) qui dit : «  Les créatures sont des A’aiyal (Des êtres dont on a la charge, c’est à dire des proches ), les plus aimés de Dieu, parmi elles, sont celles qui se dévouent le mieux aux intérêts de ses A’aiyal. »

La recherche de nouveaux moyens productifs en vue d’accroître la consommation et le gain occupe l’esprit humain. Ceux qui sont innocents servent souvent, sans le savoir, par leurs comportements de consommateurs une économie dont ils vont subir les excès un jour ou l’autre.

L’économie pousse à assouvir ses passions et ses convoitises sans prévention des nombreuses conséquences morales qui en résultent. Ceci engendre souffrance et décadence morale. La prostitution avec ses réseaux internationaux en est un exemple : l’appât du gain en est la cause. [...] Pour le Musulman, cet argent gagné dans le viol des grands principes moraux est par essence illicite. L’économie en Islam doit reposer sur le principe de la non malfaisance : le mieux être ne peut dépendre du seul capital financier accumulé. L’éthique du projet économique est le préalable pour qu’il soit licite. Ce que nous appelons : «  La prise de conscience avant d’agir ».
Yahia Baamara

lundi 26 août 2013

le tao de la monnaie

"Les monnaies Yang dont l’émission est basée sur la hiérarchie. Elles mènent à la centralisation, l’accumulation par un petit nombre qui investissent dans des biens à court terme. Ces monnaies sont rares et créent la compétition. Toutes les monnaies nationales conventionnelles sont Yang parce qu’elles présentent ces caractéristiques.

Les monnaies Yin sont égalitaires et découragent l’accumulation tout en encourageant la coopération entre les utilisateurs. Elles mènent à la décentralisation (elles sont un support local), elles sont toujours    disponibles    en    quantité (en tant que simple    mémoire « qualifiante et/ou quantifiante » d’un échange) et créent des investissements en biens à long terme. Les économies Yin ont toujours existé typiquement sous forme d’économie de dons. Les échanges de cadeaux sont un des moyens de construction d’une communauté."

Bernard Lietaer cité par Patrick Viveret dans "Reconsidérer la richesse"

voici un lien vers une très bonne émission de Ruth Stégassy avec Bernard Lietaer :
[ http://www.franceculture.fr/emission-terre-a-terre-les-monnaies-complementaires-2012-02-04  ]

lundi 5 août 2013

vol et chaos


La grande Voie est simple,
mais les gens préfèrent les chemins détournés.
Sois conscient lorsque les choses sont déséquilibrées.
Reste centré dans le Tao.
Quand de riches spéculateurs prospèrent
alors que les paysans perdent leurs terres ;
quand le gouvernement dépense de l’argent
en armes plutôt qu’en remèdes ;
quand la classe supérieure est extravagante et irresponsable
alors que les pauvres n’ont nulle part où se tourner -
tout cela est vol et chaos.
Ce n’est pas être en accord avec le Tao.
Lao Tseu, Tao Te King 53

paradis fiscal et enfer social

visuel du Tax Toy "comprendre les paradis fiscaux" du CCFD 
© Atelier Roger Pfund / EURO RSCG C&O
trois revendications du Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD) contre l'opacité financière :
> des comptes transparents pays par pays pour les multinationales, pour rétablir la vérité comptable des multinationales et lutter contre l’évasion fiscale.
> des registres publics pour identifier les bénéficiaires réels des trusts, stop aux structures juridiques opaques qui permettent d’échapper à la justice et à l’impôt.
> coopération fiscale et judiciaire effective entre les états, notamment avec les pays du sud, fin de l’impunité en matière de criminalité économique et financière
Tax Toy "comprendre les paradis fiscaux", 2011. Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD)

mercredi 31 juillet 2013

les dégats de l'avidité

"Deux loups affamés au milieu d'un troupeau de moutons ne font pas plus de dégâts que l'avidité d'un homme pour la richesse et la renommée à l'égard de sa foi."

 Sultan Sohaib & Chebel Malek, 2009. Le Coran Pour les Nuls

vendredi 26 juillet 2013

travailler pour vivre bien



"Du point de vue du bouddhisme, la fonction du travail est au moins triple. 
Donner à l’homme la chance d’exploiter et de développer ses facultés. 
Lui permettre de dominer son égocentrisme en participant avec d'autres à une tâche commune. 
Produire les biens et les services nécessaires à une existence décente."
Schumacher E.F., 1978. Le système d'économie bouddhiste, in Small is beautiful. Contretemps/Seuil.